Montres connectées, capteurs à placer sous le matelas, applications pour
smartphone… Le marché des dispositifs de mesure du sommeil se porte bien. Mais
ces objets sont-ils réellement utiles ?

De plus en plus de montres connectées et d’applications prétendent analyser la qualité de nos nuits et détecter des troubles, mais peut-on vraiment se fier à ces dispositifs pour diagnostiquer des problèmes de santé ?

Des données limitées et peu fiables pour évaluer le sommeil

Le sommeil est particulièrement concerné par l’imprécision des mesures de ces objets connectés.

Les bracelets connectés mesurent nos mouvements mais il est impossible de traduire précisément ces mouvements en tendance de sommeil. On ne peut pas se contenter de déduire un fonctionnement interne à partir de frémissements et de rotations de notre corps. Les études menées sur la fiabilité de ces données sont sans appel : les données sur le sommeil léger et le sommeil profond sont souvent inexactes.

Par ailleurs, certaines marques affirment que leurs montres connectées peuvent diagnostiquer des apnées du sommeil. Là encore, c’est malheureusement faux. Elles peuvent seulement alerter sur un sommeil difficile, en combinant des données relatives au pouls, à l’exercice physique, à la saturation du sang en oxygène et aux ronflements. Mais elles ne remplacent en rien un diagnostic médical.

Les données fournies sont souvent insuffisantes et imprécises. Au lieu d’alerter, elles risquent même d’avoir l’effet inverse : en ne détectant pas correctement des signaux inquiétants et en annonçant une absence d’apnée du sommeil, elles compromettent la prise en charge médicale en retardant le diagnostic.

Les meilleures mesures ne peuvent être prises que dans un contexte médical avec une polysomnographie qui enregistre le sommeil avec des capteurs cérébraux, oculaires, musculaires, cardiaques et respiratoires.

Les seules applications que je recommande sont en général des applications d’enregistrement des ronflements, type SnoreClock. Elles vont permettre – notamment aux personnes qui dorment seules – de détecter des pauses respiratoires et des reprises suffocatoires bruyantes qui peuvent laisser à penser à une apnée du sommeil et inciter à consulter un médecin.

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L’obsession du sommeil parfait : un piège à éviter

Environ 20 % des Français utilisent aujourd’hui un « fitness tracker » (pour compter les pas, suivre le sommeil, l’activité physique quotidienne, etc.) dans un souci de remise en forme.

Cependant, se surveiller en permanence peut devenir contre-productif. En particulier pour le sommeil, où le maître mot est le lâcher-prise ! Il existe un risque d’orthosomnie : une obsession d’atteindre un sommeil parfait, aux cycles réguliers, avec un désir constant de contrôle… Ce qui a souvent l’effet inverse et favorise les insomnies. On estime que ce trouble anxieux est en partie lié à l’essor des applications de suivi du sommeil.

Il est également important de souligner que la mesure des données n’est qu’une première étape. Encore faut-il savoir comment les interpréter et quoi en faire. Au-delà des chiffres, il est essentiel d’identifier les causes des troubles et les actions à entreprendre pour y remédier.

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Des applications remboursées par la Sécurité sociale ?

Pour autant, la technologie peut avoir des apports positifs, et certaines applications ont obtenu des validations scientifiques.

C’est le cas de « Sleepio », un programme en ligne de six semaines, basé sur l’intelligence artificielle. En Grande-Bretagne, il peut être prescrit par les médecins et remboursé par l’équivalent britannique de la Sécurité sociale. Il propose un test de sommeil, des séances hebdomadaires de thérapie cognitivo-comportementale et un agenda du sommeil à compléter. Son taux de réussite est de 56 %, avec une amélioration moyenne de six heures de sommeil par semaine.

En France, certaines applications visent à suivre cette voie, mais le milieu médical exprime une certaine inquiétude : l’arrivée de solutions numériques remboursées pourrait-elle entraîner une diminution déjà problématique du nombre de médecins ?